6 avril 2016 : le « polar » russe contemporain

par  Paul Lequesne,

traducteur littéraire

Lors d’une interview, l’an passé, à la question « Qu’est-ce que l’âme russe ? » l’écrivain Boris Akounine répondait avec emportement : « C’est comme la baguette et le camembert pour les Français : un lieu commun. Tous les Français me parlent de l’âme russe. Sans doute ont-ils trop lu les romans russes ou vu trop souvent Le docteur Jivago. La Russie est une société complexe avec des gens, des humeurs, des histoires et des visions politiques différents ».

La réponse serait donc d’après lui à chercher dans la littérature avec comme exemple Le Docteur Jivago. Mais qu’y a-t-il donc de si typiquement russe chez le Docteur Jivago, qu’on retrouve chez ses prédécesseurs autant que chez ses descendants ? La nature et les grands espaces ? Les histoires de famille ? Les guerres et les révolutions ? Les sentiments exaltés ? Thèmes qui se retrouvent aussi dans notre littérature.

Il s’agirait plutôt d’un détail plus subtil, qui échappe au premier regard, qu’on ne saurait saisir que grossi par la loupe d’un Sherlock Holmes russe. Le plus célèbre d’entre eux est certainement Porfiri Petrovitch, qui apparaît en 1866 dans Crime et châtiment avec la fonction toute nouvelle de sledovatel (juge d’instruction). Mais il en est d’autres, bien moins connus, comme Alexandre Chkliarevski, considéré comme le père du roman policier russe, qui peuvent aider le lecteur français à repérer le constituant majeur de l’âme russe, cette mystérieuse composante en forme d’héritage transmis de génération en génération, et à observer le lien étrange et permanent qui unit un Tourguéniev à un Dmitri Stakhov, en passant par Pouchkine, Dostoïevski, les troisTolstoï, et plus récemment Vladimir Charov, Andreï Kourkov et, bien sûr, Boris Akounine.

 

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